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Les lois sur l’écoblanchiment : comment la réglementation canadienne se distingue de celle des États-Unis

  • Writer: Carla Decroix
    Carla Decroix
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Écrit par: Carla Decroix

Édité par: Mya Ouassini Maamri



Ces dernières années, de plus en plus d’entreprises emploient des termes tels que « durable », « écoresponsable », ou « vert » pour promouvoir leurs produits ou services, dans le but de paraître respectueux à l’égard de l’environnement. Pourtant, ces termes trompeurs cachent souvent une réalité décevante: c’est ce qu’on appelle l’écoblanchiment (greenwashing). Plus précisément, il s’agit de pratiques de marketing qui exagèrent ou inventent les efforts environnementaux d’une entreprise afin de la présenter comme plus écologique qu’elle ne l’est réellement. Par exemple, le géant du café Keurig a induit les consommateurs canadiens en erreur en affirmant que ses capsules étaient « 100 % recyclables », alors qu’en réalité, seulement deux provinces canadiennes acceptaient les capsules dans leurs programmes de recyclage (Products & Brands, 2025). Depuis, Keurig, comme d’autres entreprises, a dû s’adapter à un cadre juridique canadien beaucoup plus strict. Toutefois, les entreprises exerçant des activités des deux côtés de la frontière font face à un défi particulier: les lois canadiennes et américaines sur l’écoblanchiment diffèrent considérablement.


Le cadre canadien

Au Canada, l’écoblanchiment est principalement encadré par la Loi sur la concurrence, qui interdit la publicité fausse ou trompeuse. En 2024, le gouvernement fédéral a renforcé ces règles par le biais du projet de loi C-59, soit la loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 (“Competition Act,” 2025). Celle-ci énonce que toute allégation environnementale, qu’il s’agisse d’impact, d’amélioration ou de progrès,  doit être appuyée par des « tests adéquats et appropriés » (“Competition Act,” 2025). Autrement dit, les entreprises ne peuvent formuler de telles affirmations que si elles disposent de données vérifiables. Par exemple, une entreprise peut affirmer que son produit est « plus écologique que celui de la concurrence » si elle a effectué des tests prouvant cette supériorité; en revanche, des slogans vagues comme « bâtir un avenir meilleur » ou « ouvrir la voie du changement » ne satisfont plus aux exigences légales. Cette réforme pousse les entreprises canadiennes à adopter des stratégies environnementales plus transparentes et à communiquer de façon honnête avec les consommateurs. D’autre part, les groupes de défense peuvent désormais déposer des plaintes en matière d’écoblanchiment devant le Tribunal de la concurrence, à condition de répondre à un critère « d’intérêt public » (“Competition Act,” 2025). Cette mesure décentralise l’application de la loi: les plaintes ne passent plus exclusivement par le Bureau de la concurrence, ce qui facilite la responsabilisation des entreprises.


La Banque Royale du Canada (RBC), l’une des plus grandes institutions financières du pays, a souvent eu recours à un langage environnemental dans ses campagnes, se présentant comme un chef de la « durabilité » et de « l’investissement respectueux du climat » (Jemec, Hulse, 2025). Ses rapports publics et son matériel promotionnel mettent en avant son soutien aux énergies renouvelables, à la finance durable et à un objectif de carboneutralité d’ici 2050.


Cependant, dans le cadre de la Loi sur la concurrence renforcée par le projet de loi C-59, des groupes environnementaux tels que Ecojustice ont déposé une plainte auprès du Bureau de la concurrence, alléguant que les déclarations de RBC constituaient de l’écoblanchiment (Bernstien, 2022). Ils ont soutenu que, malgré son image d’acteur écoresponsable, la banque continue de financer des milliards de dollars de projets liés aux combustibles fossiles (Bernstien, 2022).


Le Bureau a alors ouvert une enquête sur RBC, marquant la première grande enquête visant une institution financière au Canada en matière de publicité climatique trompeuse. Cette affaire illustre la manière dont les groupes de défense peuvent désormais déclencher des enquêtes en s’adressant directement au commissaire à la concurrence.


Le cadre américain

Aux États-Unis, la Federal Trade Commission (FTC) est chargée de surveiller l’écoblanchiment en vertu de l’article 5 de la Federal Trade Commission Act, qui interdit les « pratiques déloyales ou trompeuses affectant le commerce » (FTC, 2025). La FTC publie également les Green Guides, un ensemble de recommandations destinées à aider les entreprises à éviter les allégations environnementales trompeuses.


Contrairement au cadre canadien, toutefois, les Green Guides n’ont pas de valeur juridique contraignante: il s’agit de simples lignes directrices (Martin, 2025). La FTC peut intenter des poursuites civiles ou émettre des ordonnances administratives, mais les particuliers ne peuvent généralement pas déposer de recours privés en vertu de l’article 5. Certains États autorisent néanmoins des recours collectifs fondés sur leurs propres lois de protection des consommateurs (Martin, 2025).


Depuis 2018, la FTC n’a invoqué les Green Guides qu’à de rares occasions pour contester des publicités environnementales trompeuses. De nombreux experts estiment d’ailleurs que ces lignes directrices sont désuètes, la dernière révision majeure datant de 2012 (FTC, 2025). Il n'est pas surprenant que la dernière mise à jour fut de l’époque d’Obama, car les priorités politiques et administratives sous l’administration Trump risquent de repousser davantage leur actualisation.


En avril 2022, la FTC a annoncé des règlements avec deux géants du commerce de détail américain, Walmart Inc. et Kohl’s Inc., pour avoir faussement présenté des dizaines de produits textiles comme « écologiques », « durables » et « fabriqués à partir de bambou » (Grace, 2022).


L’enquête a révélé que ces produits n’étaient pas faits de bambou, mais de rayonne, une fibre semi-synthétique produite selon un procédé chimique intensif et nocif pour l’environnement (Grace, 2022).


Les deux entreprises ont été condamnées à verser un total de 5,5 millions de dollars américains en pénalités civiles, soit la première sanction financière importante liée à l’écoblanchiment dans le secteur du commerce de détail américain (Grace, 2022). De plus, la FTC leur a interdit de formuler de nouvelles allégations environnementales trompeuses et leur a imposé de documenter toute affirmation de durabilité future conformément aux Green Guides.


Canada vs États-Unis : une différence d’application et de culture

La comparaison entre les affaires RBC et Walmart/Kohl’s révèle la principale différence entre les deux pays : le niveau d’application et de rigueur juridique. Alors que Walmart et Kohl’s se sont contentés de payer des amendes relativement modestes, l’enquête en cours visant RBC reflète une surveillance plus approfondie et systématique dans le cadre du droit canadien.


Au Canada, la force exécutoire du projet de loi C-59 crée de véritables conséquences : les entreprises risquent des poursuites et une atteinte à leur réputation si elles ne peuvent prouver leurs allégations environnementales. La possibilité pour des groupes de défense d’intervenir rend le système plus réactif et plus proche du public.


Aux États-Unis, en revanche, le caractère non contraignant des Green Guides et les ressources limitées de la FTC signifient que de nombreuses campagnes trompeuses passent sous le radar. Si la FTC peut imposer des amendes ou des règlements, ses interventions demeurent ponctuelles et fragmentées, sans cohérence réglementaire globale.


En fin de compte, la position plus ferme du Canada favorise un marché plus crédible et plus transparent. En exigeant des preuves concrètes et en permettant au public de porter plainte, le pays met en place un modèle de responsabilisation que les États-Unis devront peut-être bientôt imiter à mesure que les pressions mondiales pour la transparence climatique s’intensifient.


Conclusion

Bien que le Canada et les États-Unis reconnaissent les dangers de l’écoblanchiment, leurs approches diffèrent en termes d’applicabilité, de portée et de responsabilité publique. Le projet de loi C-59 représente une tentative proactive d’aligner la publicité sur des critères mesurables de durabilité, tandis que les États-Unis reposent encore largement sur la conformité volontaire et les interventions sporadiques de la FTC.


À l’heure où les consommateurs exigent davantage de transparence, la différence entre ces deux systèmes met en lumière une leçon essentielle : la crédibilité environnementale commence par la responsabilité, et la responsabilité, elle, commence par la loi.



Bibliographie

Bernstien, J. (2022, 16 octobre). Why environmentalists went after Canada's biggest bank for alleged greenwashing. CBC. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://www.cbc.ca/news/science/rbc-greenwashing-investigation-1.6617129


Competition Act (RSC, 1985, c. C-34). (s.d.). Laws.justice.gc.ca. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-34/page-11.html


Environmentally Friendly Products: FTC's Green Guides. (s.d.). Federal Trade Commission. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://www.ftc.gov/news-events/topics/truth-advertising/green-guides


Grace, L. (s.d.). FTC Hits Walmart With $3 Million Greenwashing Penalty - FTC Hits Walmart With $3 Million Greenwashing Penalty. Supermarket News. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://www.supermarketnews.com/foodservice-retail/ftc-hits-walmart-with-3-million-greenwashing-penalty


Greenwashing Examples for 2024 & 2025 | Products & Brands. (2025, 31 août). The Sustainable Agency. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://thesustainableagency.com/blog/greenwashing-examples/


Jemec, T., & Hulse, M. (2025, 15 mai). Much ado about anti-greenwashing rules: A look at RBC quitting its sustainable finance promise and withholding green information. Ecojustice. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://ecojustice.ca/news/much-ado-about-anti-greenwashing-rules-a-look-at-rbc-quitting-its-sustainable-finance-promise-and-withholding-green-information/


Martin, C. (2025, janvier). The Anti-Greenwash Charter. The Greenwashing Regulatory Landscape in North America in 2025. The Anti-Greenwash Charter. Consulté le 28 octobre 2025, à partir de https://antigreenwashcharter.org/the-greenwashing-regulatory-landscape-in-north-america-in-2025/


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